La Mine
La longue histoire de la Mine dans le Nord de la France allait bientôt se taire, les grandes roues de métal des chevalements s’immobiliser à jamais. Il n’y a sans doute pas de reportage que fasse un photographe sans qu’il aille vers une part de lui-même en ce qu’il va pénétrer, ce en quoi il va s’investir. L’expérience vécue ne se solde pas seulement par une moisson d’images, on ne revient pas tout à fait indemne de l’aventure.
Tout commence dès que franchie la limite qui sépare le monde d’où je viens à celui familier à ces hommes dont je vais partager des journées de travail.
N’ayant pas d’appareil antidéflagrant, je travaillais sur la mine de jour, celle de surface par opposition à la mine de fond. Étroitement complémentaires, solidaires, le travail dans les galeries se poursuit différemment dans les ateliers en surface. Il faut vérifier, réparer souvent : la mine met à l’épreuve hommes et matériels : tout est lourd et métallique. Des compétences et du sérieux dans les tâches accomplies dépend la sécurité de ceux qui travaillent dur sous terre. Un peu à part, l’homme qui commande le bi-cylindro-conique, monstre cylindrique en forme de cône à chaque extrémité autour duquel s’enroule presque deux kilomètres d’un énorme câble auquel sont accrochées les doubles cages chargées des mineurs qui descendent et ceux qui remontent, a la responsabilité d’amener les cages au centimètre près au niveau du palier voulu après une chute à la vitesse folle de 12m/sec. Freinage progressif, amorti insensible, tout se sera bien passé, comme toujours.
Dernière année d’activité, le dernier puits sera rendu au silence, la fosse 9bis de Oignies (59) va s’éteindre. Déjà des chevalements, ces géants de métal qui avec les terrils dominaient les plaines, sont abattus, quantité de terrils rasés ; comme s’il fallait effacer un passé bon pour l’oubli. Peut-être que mon travail donnera à ce monde de vivre encore, autrement, sans nostalgie mais dans la mémoire du cœur. J’ai rencontré des gens fiers, courageux, généreux, simples, un monde un peu à part qui regarde l’autre monde, celui d’en dehors, avec un grand sourire. Le dimanche, chemise blanche, costume et cravate ! Ils n’étaient pas seulement des gueules noires, ils étaient gens au cœur large.